LE LIVRE DE LA HIÉRARCHIE CÉLESTE
DE SAINT DENYS L'ARÉOPAGITE
Traduites du grec par L'abbé DARBOY professeur de théologie au
séminaire de Langres (1845)
TABLE DES MATIERES
CHAP. 1 - Comment toute illumination
divine, qui par la bonté céleste passe aux créatures, demeure simple en soi,
malgré la diversité de ses effets, et unit les choses qu'elle touche de ses
rayons
CHAP. 2 - Qu'on donne très bien l'intelligence des choses divines
et célestes par le moyen de signes qui ne leur ressemblent pas
CHAP. 3 -
On expose la définition de la hiérarchie et son utilité
CHAP. 4 - Que
signifie le nom d'anges ?
CHAP. 5 - Pourquoi on appelle généralement du
nom d'Anges toutes les célestes essences?
CHAP. 6 - Que les natures
célestes se divisent en trois ordres principaux
CHAP. 7 - Des séraphins,
des chérubins et des trônes qui forment la première hiérarchie
CHAP. 8 -
De la seconde hiérarchie qui se compose de dominations, des vertus et des
puissances
CHAP. 9. - De la dernière hiérarchie céleste qui comprend les
principautés, les archanges et les anges
CHAP. 10 - Résumé et conclusion
de ce qui a été dit touchant l'ordre angélique
CHAP. 11. - Pourquoi les
esprits angéliques sont nommés généralement vertus célestes
CHAP. 12 -
D'où vient que l'on tienne le nom d'Anges aux pontifes de notre
hiérarchie
CHAP. 13 - Pourquoi Il est dit que le prophète Isaïe fut
purifié par un séraphin
CHAP. 14 - Que signifie le nombre des anges dont
il est fait mention dans l'Écriture ?
CHAP. 15 - Quelles sont les formes
diverses dont l'Écriture revêt les anges, les attributs matériels qu'elle leur
donne, et la signification mystérieuse de ces symboles
CHAPITRE
1
COMMENT TOUTE ILLUMINATION DIVINE, QUI PAR LA BONTÉ CÉLESTE PASSE AUX
CRÉATURES, DEMEURE SIMPLE EN SOI, MALGRÉ LA DIVERSITÉ DE SES EFFETS, ET UNIT LES
CHOSES QU'ELLE TOUCHE DE SES RAYONS.
I. Toute grâce excellente, tout
don parfait vient d'en haut, et descend du Père des lumières. (Jac 1,17). Il
y a plus : toute émanation de splendeur que la céleste bienfaisance laisse
déborder sur l'homme, réagit en lui comme principe de simplification spirituelle
et de céleste union, et par sa force propre, le ramène vers l'unité souveraine
et la déifique simplicité du Père. Car toutes choses Viennent de Dieu et
retournent à Dieu, comme disent les saintes Lettres (cf. Rom 11,36).
II.
C'est pourquoi, sous l'invocation de Jésus, la lumière du Père, oui, la vraie
lumière qui éclaire tout homme venant an monde (Jn I,8), et par qui nous
avons obtenu d'aborder le Père, source de lumière, élevons un regard attentif
vers l'éclat des divins oracles que nous ont transmis nos maîtres : là, étudions
avec bonne volonté ce qui fut révélé, sous le voile de la figure et du symbole,
touchant les hiérarchies des esprits célestes. Puis, ayant contemplé d'un oeil
tranquille et pur ces splendeurs primitives, ineffables, par lesquelles le Père,
abîme de divinité, nous manifeste sous des types matériels les bienheureux
ordres des anges, replions-nous sur le principe infiniment simple d'où ces
splendeurs dérivent. Ce n'est pas à dire toutefois que, jamais elles existent en
dehors de l'unité qui fait leur fond; car, lorsque s'attempérant par
providentielle bonté aux besoins de l'homme pour le spiritualiser et le rendre
un, elles se répandent heureusement en rayons multiples, alors même elles
gardent essentiellement une identité immuable et une permanente unité; et sous
leur puissante influence, quiconque les accueille, comme il doit, se simplifie
et devient un, au degré où il en est personnellement capable. Effectivement ce
principe originel de divine lumière ne nous est accessible, qu'autant qu'il se
voile sous la variété de mystérieux symboles, et qu'avec amour et sagesse il
descend pour ainsi dire, au niveau de notre nature.
III. Aussi le suprême et
divin législateur a fait que notre sainte hiérarchie fit une sublime imitation
des hiérarchies célestes; et Il a symbolisé les armées invisibles sous des
traits palpables et sous des formes composées, afin qu'en rapport avec notre
nature, ces institutions saintement figuratives l'élevassent jusqu'à la hauteur
et à la pureté des types qu'elles représentent . Car ce n'est qu'à l'aide
d'emblèmes matériels que notre intelligence grossière peut contempler et
reproduire la constitution des ordres célestes. Dans ce plan, les pompes
visibles du ciel nous rappellent les beautés invisibles, les parfums qui
embaument les sens, représentent les suavités spirituelles; l'éclat des
flambeaux est le signe de l'illumination mystique; le rassasiement des
intelligences par la contemplation a son emblème dans l'introduction de la
sainte doctrine, la divine et paisible harmonie des cieux est figurée par la
subordination des divers ordres de fidèles, et l'union avec Jésus Christ par la
réception de la divine Eucharistie. Et ainsi de toute autre grâce, les natures
célestes y participant d'une façon qui n'est pas de la terre, et l'homme
seulement par le moyen de signes sensibles. C'est donc pour nous diviniser en ]a
forme où cela se pouvait que nous avons été miséricordieusement initiés au
secret des hiérarchies célestes par la notre qui en est comme le rudiment, et
associés à elles dans la participation aux choses sacrées; et les paroles de la
sainte Écriture ne dépeignent les pures intelligences sous des images
matérielles, que pour nous faire passer du corps à l'esprit, et des pieux
symboles à la sublimité des pures essences.
CHAPITRE 2
QU'ON
DONNE TRES BIEN L'INTELLIGENCE DES CHOSES DIVINES ET CÉLESTES PAR LE MOYEN DE
SIGNES QUI NE LEUR RESSEMBLENT PAS.
I. J'ai cru devoir procéder ainsi :
exposer d'abord le but des différentes hiérarchies, et le profit qui revient à
leurs membres divers; puis célébrer les choeurs célestes, d'après ce que nous en
apprennent les saints enseignements; enfin dire sous quelles formes les ordres
invisibles nous sont représentés dans les Écritures, et à quelle conception
toute Spirituelle ces symboles nous doivent ramener. Car il ne faut pas imaginer
avec l'ignorance impie du vulgaire fine ces nobles et pures intelligences aient
des pieds et des visages, ni qu'elles affectent la forme du boeuf stupide, ou du
lion farouche, ni qu'elles ressemblent en rien à l'aigle impérieux, ou aux
légers habitants des airs. Non encore; ce ne sont ni des chars de feu qui
roulent dans les cieux, ni des trônes matériels destinés à porter le Dieu des
dieux, ni des coursiers aux riches couleurs, ni des généraux superbement armés,
ni rien de ce que les Écritures nomment dans leur langage si fécond en pieux
symboles. Car, si la théologie a voulu recourir a la poésie de ces saintes
fictions, en parlant des purs esprits, ce fut, comme il a été dit, par égard
pour notre mode de concevoir, et pour nous frayer vers les réalités supérieures
ainsi crayonnées un chemin que notre faible nature peut suivre.
Il. Quiconque
applaudit aux religieuses créations sous lesquelles on peint ces pures
substances que nous n'avons ni vues, ni connues, doit se souvenir que ce
grossier dessein ne ressemble pas à l'original, et que toutes les qualifications
imposées aux anges ne sont, pour ainsi dire, qu'imaginaires.
D'autre part,
il y en a qui veulent que la théologie, quand elle prête un corps aux choses qui
n'en ont pas, respecte du moins leur noblesse naturelle, et les dépeigne sous
les formes les plus pures et les plus spiritualisées en quelque sorte, et
n'aille pas appliquer les plus ignobles conditions du multiple à des substances
éminemment simples et spirituelles. Car ainsi, croient-ils, notre pensée
apprendrait à s'élever, et de sublimes vérités ne seraient pas défigurées par
d'inconvenantes comparaisons : faire autrement, c'est outrager les vertus
célestes et fausser notre esprit fixé sur de profanes symboles. Car peut-être
va-t-il imaginer que le ciel tressaille donc sous les pas des lions et des
chevaux, ou retentit d'hymnes mugissantes, et qu'on y voit tout une république
d'oiseaux et d'autres animaux encore et des objets purement matériels : tous
êtres plus ou moins stupides et pleins de passions diverses dont le texte sacré
rappelle l'impertinente idée, en établissant une ressemblance énigmatique là où
il n'y a pas de ressemblance réelle.
À cela je réponds : tout homme studieux
de la vérité découvrira la sagesse des saints oracles en cette peinture des
intelligences célestes, et comment il fut pourvu avec bonheur à ce que ni les
vertus divines ne fussent indignement rabaissées, ni notre esprit trop,plongé en
de basses et terrestres imaginations. Au reste, si l'on revêt de corps et de
formes ce qui n'a ni corps ni formes, ce n'est pas seulement parce que nous ne
pouvons avoir l'intuition directe des choses spirituelles, et qu'il nous faut le
secours d'un symbolisme proportionné à notre faiblesse, et dont le langage
sensible nous initie aux connaissances d'un monde supérieur; c'est encore parce
qu'il est bon et pieux que les divines Lettres enveloppent sous le mystère
d'énigmes ineffables, et dérobent au vulgaire la mystérieuse et vénérable nature
des esprits bienheureux. Car chacun n'est pas saint, et la science n'est pas
pour tous, disent les Écritures (5). Si donc quelqu'un réprouve ces emblèmes
imparfaits, prétextant qu'il répugne d'exposer ainsi les beautés saintes et
essentiellement pures sous de méprisables dehors, nous ferons simplement
observer que cet enseignement se fait de deux manières.
III. Effectivement on
conçoit que la vérité puisse s'offrir sous les traits sacrés de figures
auxquelles elle ressemble, ou bien sous le déguisement de formes qui lui sont
diamétralement opposées. Ainsi, dans le mystérieux langage des livres sacrés,
l'adorable et sur-essentielle Nature de notre Dieu bienheureux se nomme
quelquefois Verbe, intelligence, essence (6), comme pour exprimer sa raison et
sa sagesse. Son existence si souverainement essentielle, et seule cause
véritable de toutes les existences, y est comparée à la lumière (7), et
s'appelle vie.
Mais quoique ces nobles et pieuses manières de dire paraissent
mieux aller que les symboles purement matériels, elles sont loin toutefois de
représenter la divine réalité qui surpasse toute essence et toute vie, que nulle
lumière ne reflète, et dont n'approche ni raison, ni intelligence quelconque.
Souvent encore, prenant l'opposé, et élevant notre pensée, les Écritures nomment
cette substance invisible, immense, incompréhensible (8), indiquant ainsi ce
qu'elle n'est pas, et non point ce qu'elle est. Et ces paroles me semblent plus
dignes; car, si j'en crois nos saints et traditionnels enseignements, quoique
nous ne connaissions pas cet infini sur-essentiel, incompréhensible, ineffable,
cependant nous disons avec vérité qu'il n'est rien de tout ce qui est. Si donc,
dans les choses divines, l'affirmation est moins juste, et la négation plus
vraie, il convient qu'on n'essaie point d'exposer, sous des formes qui leur
soient analogues, ces secrets enveloppés d'une sainte obscurité; car ce n'est
point abaisser, c'est relever au contraire les célestes beautés que de les
dépeindre sous des traits évidemment inexacts, puisqu'on avoue par la qu'il y a
tout un monde entre elles et les objets matériels.
Que ces défectueux
rapprochements aident notre pensée, à s'élever, c'est, je crois, ce qu'un homme
réfléchi ne voudra pas nier; car il est probable que de plus majestueux symboles
séduisent certains esprits qui se représentent les natures célestes comme des
êtres brillants d'or et d'un splendide éclat, riches, magnifiquement vêtus,
rayonnants d'une douce lumière, enfin affectant je ne sais quelles autres formes
que la théologie prête aux bienheureux archanges. C'est afin de désabuser ceux
qui ne soupçonnent rien au dessus des beautés du monde sensible, et pour élever
sagement leur pensée, que les saints docteurs ont cru devoir adopter ces images
si dissemblables; car ainsi formes abjectes ne peuvent séduire sans retour ce
qu'il y a de matériel en nous, parce que leur grossièreté même réveille et
soulève la partie supérieure de nos âmes et de la sorte ceux mêmes qui sont
épris des choses terrestres jugent faux et invraisemblable que de si difformes
inventions ressemblent aucunement à la splendeur des réalités célestes et
divines. Du reste, il faut se souvenir que rien de ce qui existe n'est
radicalement dépouillé de quelque beauté; car toutes choses sont éminemment
bien, dit la vérité même.
IV. Toutes choses donc offrent matière aux plus
nobles contemplation; et il est permis de présenter le monde purement spirituel
sous l'enveloppe si peu assortie cependant du monde matériel, étant avéré
d'ailleurs que ces formes vont au premier d'une tout autre manière qu'au second.
Effectivement chez les créatures privées de raison, l'irritation n'est qu'une
fougue passionnelle, et leur colère un mouvement tout à fait fatal, mais quand
on parle de l'indignation des êtres spirituels, on veut au contraire marquer la
même énergie de leur raison, et leur invincible persistance dans l'ordre divin
et immuable. Également nous disons que la brute a des goûts aveugles et
grossiers, des sortes de penchants qu'une disposition naturelle ou l'habitude
lui a forcément imposés, et une puissance irrésistible des appétits sensuels qui
le poussent vers le but sollicité par les exigences de son organisme. Quand donc
imaginant des ressemblances éloignées, nous attribuons de la convoitise aux
substances spirituelles, il faut comprendre que c'est un divin amour pour le
grand Esprit qui surpasse toute raison et toute intelligence que c'est un
immuable et ferme désir de la contemplation éminemment chaste et inaltérable, et
de la noble et éternelle union avec cette sainte et sublime clarté, avec cette
beauté souveraine qui n'a pas de déclin. De même, par leur fougue impétueuse, on
prétend désigner la magnanime et inébranlable constance qu'elles puisent dans un
pur et perpétuel enthousiasme pour la divine beauté, et dans un généreux
dévouement a ce qui est vraiment aimable. Enfin, par silence et insensibilité,
nous entendons, chez les brutes et chez les êtres inanimés, la privation de la
parole et du sentiment ; mais en appliquant ces mots aux substances
immatérielles et intelligentes, nous voulons dire que leur nature supérieure
n'est point soumise à la loi d'un langage fugitif et corporel, ni à notre
sensibilité organique, et indigne de purs esprits. Ce n'est donc point
inconvenant de déguiser les choses célestes sous le voile des plus méprisables
emblèmes; d'abord, parce que la matière tirant son existence de celui qui est
essentiellement beau, conserve dans l'ordonnance de ses parties quelques
vestiges de la beauté intelligible; ensuite parce que ces vestiges mêmes nous
peuvent ramener à la pureté des formes primitives, si nous sommes fidèles aux
règles antérieurement tracées, C'est-à-dire, si nous distinguons en quel sens
différent une même figure s'applique avec égal justesse aux choses spirituelles
et aux choses sensibles.
V. Du reste la théologie mystique, comme on sait,
n'emploie pas seulement ce langage saintement figuratif, quand Il s'agit des
ordres célestes, mais aussi quand elle parle des attributs divins. Ainsi, tantôt
voilée sous les plus nobles substances, la divinité est le soleil de justice,
l'étoile du matin dont le lever se fait au fond des coeurs pieux, ou la lumière
spirituelle qui nous enveloppe de ses rayons : tantôt revêtant de plus grossiers
symboles, c'est un feu qui brûle sans consumer, une eau qui donne la vie à
satiété, et qui, pour parler en Figure, descend en nos poitrines, et coule à
flots intarissables : tantôt enfin, déguisée sous des objets infimes, c'est un
parfum de bonne odeur (15), c'est une pierre angulaire. Même les Écritures la
présentent sous des formes animal, la comparant au lion, a la panthère, au
léopard et à l'ours en fureur. Mais il y a quelque chose qui pourrai sembler
plus injurieux et moins exact encore; c'est que le Seigneur s'est nommé lui-même
un ver de terre comme l'enseignent nos maîtres dans la foi. De la sorte tous
ceux qui, pleins d'une divine sagesse, parlent le langage de l'inspiration
sacrée, conservent aux choses saintes leur pureté originelle, au moyen de ces
imparfaites et vulgaires indications; et ils usent tellement de cet heureux
symbolisme que d'un côté, ni les profanes ne pénètrent le mystère, ni les hommes
d'attention pieuse ne s'attachent rigoureusement à ces paroles purement
figuratives, et que d'autre part, les réalités célestes brillent à travers des
formules négatives qui respectent la vérité, et des comparaisons dont la
justesse se cache sous l'apparence d'un objet ignoble. Il n'est donc pas mal,
pour les raisons qu'on a dites, de donner aux natures spirituelles des formes
qui ne leur ressemblent que de si loin. Effectivement si la difficulté de
comprendre nous a poussés à la recherche, et si une scrupuleuse investigation
nous a portés jusqu'à la hauteur des choses divines peut-être le devons-nous aux
méprisables apparences imposées aux saints anges; car ainsi notre esprit ne
pouvant se faire à ces repoussantes images, était sollicité de se dépouiller de
toute conception matérielle et s'accoutumait avec bonheur à s'élever du symbole
jusqu'à la pureté du type. Ceci soit dit pour justifier les Écritures d'avoir
déguisé les natures célestes sous l'emblème obscur des êtres
corporels.
Maintenant il faut définir ce que nous entendons par la hiérarchie
et quels avantages reviennent à ceux qui s'y font initier. Or, je supplie mon
Jésus Christ (s'il m'est permis de l'appeler mien), de me guider en ces
discours, lui qui inspire tout bon enseignement sur les hiérarchies. Pour vous,
mon fils, selon la loi sacrée de la tradition sacerdotale, recevez avec de
saintes dispositions des paroles saintes; devenez divin par cette initiation aux
choses divines; cachez au fond de votre coeur les mystères de ces doctrines
d'unité, et ne les livrez pas aux profanations de la multitude. Car comme disent
les oracles il ne ne faut pas jeter aux pourceaux l'éclat si pur et la beauté si
splendide des perles spirituelles.
CHAPITRE 3
ON EXPOSE LA
DÉFINITION DE LA HIÉRARCHIE ET SON UTILITÉ
I. Selon moi, la hiérarchie
est à la fois ordre, science et action, se conformant, autant qu'il se peut, aux
attributs divins, et reproduisant
par ses splendeurs originelles comme une
expression des choses qui sont en Dieu. Or, la beauté incréée, parce qu'elle est
simple, bonne et principe de perfection, est pure aussi de tout vil alliage;
toutefois et selon les dispositions personnelles de chacun elle communique aux
hommes sa lumière, et, par un mystère divin, les refait au modèle de sa
souveraine et immuable perfection.
Il. Le but de la hiérarchie est donc
d'assimiler et d'unir à Dieu, qu'elle adore comme maître et guide de sa science
et de ses fonctions saintes. Car, contemplant d'un oeil assuré la beauté
suréminente elle la retrace en soi, comme elle peut; et elle transforme ses
adeptes en autant d'images de Dieu : purs et splendides miroirs où peut rayonner
l'éternelle et ineffable lumière, et qui, selon l'ordre voulu, renvoient
libéralement sur les choses inférieures cette clarté empruntée dont ils
brillent. Car ni les initiateurs, ni les initiés des cérémonies sacrées ne
doivent s’ingérer en des fonctions qui n'appartiennent pas à leur ordre
respectif; même ce n'est qu'à la condition d'une nécessaire dépendance, qu'on
peut aspirer aux divines splendeurs, et les contempler avec le respect
convenable, et imiter la bonne harmonie des esprits célestes.
Ainsi, par ce
mot de hiérarchie, on entend un certain arrangement et ordonnance sainte, image
de la beauté incréée, célébrant en sa sphère propre, avec le degré de pouvoir et
de science qui lui revient, les mystères illuminateurs, et s'essayant à retracer
avec fidélité son principe originel. Effectivement la perfection des membres de
la hiérarchie est de s'approcher de Dieu par une courageuse imitation, et, ce
qui est plus sublime encore, de se rendre ses coopérateurs, comme dit la parole
sainte, et de faire éclater en eux, selon leur force propre, les merveilles de
l'action divine.
C'est pourquoi l'ordre hiérarchique étant que les uns
soient purifiés et que les autres purifient; que les uns soient illuminés et que
les autres illuminent; que les uns soient perfectionnés et que les autres
perfectionnent; il s'ensuit que chacun aura son mode d'imiter Dieu. Car cette
bienheureuse nature, si l'on me permet une si terrestre locution, est absolument
pure et sans mélange, pleine d'une éternelle lumière, et si parfaite qu'elle
exclut tout défaut; elle purifie, illumine et perfectionne ; que dis-je ? elle
est pureté, lumière et perfection divine, au-dessus de tout ce qui est pur,
lumineux et parfait; principe essentiel de tout bien, origine de toute
hiérarchie, surpassant même toute chose sacrée par son excellence
infinie.
III. Il me semble donc nécessaire que ceux qu'on purifie, ne
conservant plus aucune souillure, deviennent libres de tout ce qui a besoin
d'expiation; que ceux qu'on Illumine soient remplis de la divine clarté, et les
yeux de leur entendement exercés au travail d'une chaste contemplation; enfin,
que ceux qu'on perfectionne, une fois leur imperfection primitive abolie,
participent à la science sanctifiante des merveilleux enseignements qui leur
furent déjà manifestés, pareillement, que le purificateur excelle en la pureté
qu'il communique aux autres; que l'illuminateur doué d'une plus grande
pénétration d'esprit, également propre à recevoir et à transmettre la
lumière,
heureusement inondé de la splendeur sacrée, la répande à flots
pressés sur ceux qui en sont dignes; enfin, que le dépositaire habile des
secrets traditionnels de la perfection, initie saintement ses frères à la
connaissance des mystères redoutables qu'il a lui-même contemplés.
Ainsi, les
divers ordres de la hiérarchie coopèrent à l'action divine, chacun selon sa
mesure propre, et par la grâce et la force d'en haut, lis accomplissent ce que
la divinité possède par nature et excellemment, ce qu'elle opère d'une façon
incompréhensible, ce que la. hiérarchie manifeste et propose à l'imitation des
intelligences généreuses et chères au Seigneur.
CHAPITRE 4
QUE
SIGNIFIE LE NOM D'ANGES ?
I. Je crois avoir défini, comme il convient, ce
que c' est qu'une hiérarchie. Il faut célébrer maintenant celle des anges, et
contempler d'un oeil tout spiritualisé les fictions vénérables sous lesquelles
ils nous apparaissent dans les Écritures. Ainsi les mystérieux symboles nous
élèveront à la hauteur de ces pures et célestes substances, et nous jouerons le
principe de la science hiérarchique avec cette sainteté que sa majesté réclame,
et ces actions de grâces que la religion pratique.
Avant tout, on doit dire
que Dieu, essence suprême, a fait acte d'amour en donnant à toutes choses leur
essence propre, et en les élevant jusqu'à l'être: car Il n'appartient qu'à la
cause absolue, et à la souveraine bonté d'appeler à la participation de son
existence les créatures diverses, chacune au degré où elle en est naturellement
capable. C'est pourquoi toutes, elles relèvent de la sollicitude providentielle
de Dieu, cause universelle et sur-essentielle; même elles n'existeraient point,
si l'essence nécessaire et le premier principe ne s'était communiqué. Ainsi par
cela même qu'elles sont, les choses inanimées participent de Dieu, qui par la
sublimité de son essence est l'être de tout; les choses vivantes participent de
cette énergie naturellement vitale, si supérieure à toute vie; les êtres
raisonnables et intelligents participent de cette sagesse, qui surpasse toute
raison et intelligence, et qui est essentiellement et éternellement parfaite. Il
est donc certain que les essences diverses sont d'autant plus proches de la
divinité, qu'elles participent d'elle en plus de manières.
Il. Voilà
pourquoi, dans cette libérale effusion de la nature divine, une plus large part
dut échoir aux ordres de la hiérarchie céleste qu'aux créatures qui existent
simplement, ou qui ont le sentiment sans la raison, ou même qui sont, comme
nous, douées d'intelligence. Car s'essayant à imiter Dieu, et, parmi la
contemplation transcendante de ce sublime exemplaire, saisis du désir de se,
réformer à son image, les purs esprits obtiennent de plus abondants trésors de
grâce, assidus, généreux et invincibles dans les efforts de leur saint amour
pour s'élever toujours plus haut; puisant à sa source la lumière pure et
inaltérable par rapport à laquelle ils s'ordonnent, vivant d'une vie pleinement
intellectuelle. Ainsi ce sont eux qui, en premier lieu, et à plusieurs titres,
sont admis à la participation de la divinité, et expriment moins imparfaitement,
et en plus de manières, le mystère de la nature infinie; de là vient qu'ils sont
spécialement et par excellence honorés du nom d'anges, la splendeur divine leur
étant départie tout d'abord, et la révélation des secrets surnaturels étant
faite à l'homme par leur entremise. Ainsi les anges nous ont intimé la loi comme
enseignent les saintes Lettres.
Ainsi, avant et après la loi, les anges
conduisaient à Dieu nos illustres ancêtres, tantôt en leur prescrivant des
règles de conduite, et les ramenant de l'erreur et d'une vie profane au droit
chemin de la vérité, tantôt en leur manifestant la constitution de la hiérarchie
céleste, ou leur donnant le spectacle mystérieux des choses surhumaines, ou leur
expliquant, au nom du ciel, les événements futurs.
III. Si quelqu'un veut
dire que Dieu S'est révélé immédiatement et par Lui-même à de pieux personnages,
que celui-là sache par les affirmations positives des Écritures que personne sur
terre n'a vu ni ne verra l'essence intime de Dieu (4), mais que ces apparitions
saintes se font, pour l'honneur de l'adorable majesté, sous le voile de symboles
merveilleux que la nature humaine puisse supporter. Or, ces visions retraçant
comme une image de la divinité, autant du moins que ce qui a forme petit
ressembler à ce qui est sans forme, et par là élevant jusque vers Dieu ceux à
qui elles sont accordées, la théologie, dans son langage plein de sagesse, les
appelle théophanies; et ce nom leur convient, puisqu'elles communiquent à
l'homme une divine lumière et une certaine science des choses divines.
Or,
les glorieux patriarches recevaient des esprits célestes l'intelligence de ces
mystérieuses manifestations. Car les Écritures n'enseignent-elles pas que Dieu
donna Lui-même à Moïse ses ordonnances sacrées, pour nous faire savoir que cette
loi n'était que la figure d'une autre sainte et divine économie ? Et néanmoins
nos maîtres affirment qu'elle nous fut transmise par les anges pour nous montrer
qu'il est dans les exigences de l'ordre éternel que les choses inférieures
s'élèvent à Dieu par le moyen des choses supérieures. Et cette règle n'atteint
pas seulement les esprits qui soutiennent vis-à-vis l'un de l'autre des rapports
de supériorité et d'infériorité, mais bien encore ceux qui sont au même rang, le
souverain auteur de tout ordre voulant qu'en chaque hiérarchie il y eût des
puissances constituées en premier, second et troisième lieu, afin que les plus
élevées fussent guides et maîtresses des autres dans les travaux de l'expiation,
de l'illumination et de la perfection.
IV. Aussi voyons-nous que le mystère
de la charité du Seigneur fut d'abord révélé aux anges, et qu'ensuite, par leur
médiation, la grâce de cette connaissance descendit jusqu'à nous. Le prêtre
Zacharie apprit de saint Gabriel que l'enfant qui lui viendrait des cieux,
contre toute espérance, serait le prophète de l'opération divine que Jésus
devait miséricordieusement manifester en sa chair pour le salut du monde.
Par le même messager divin, Marie sut comment se consommerait en elle le
miracle ineffable de l'Incarnation du Verbe.
Un autre envoyé informa Joseph
de l'entier accomplissement des saintes promesses faites à David son aïeul. Ce
fut encore un ange qui annonça la bonne nouvelle aux bergers purifiés par le
repos et le silence de la solitude, tandis que les choeurs de l'armée céleste
enseignaient aux hommes cet hymne de gloire tant répété dans l'univers. Mais,
élevant les yeux vers des révélations plus sublimes encore, j'observe que le
principe sur-essentiel des substances célestes, le Verbe, en prenant notre
nature sans altération de la Sienne, ne dédaigna pas d'accepter l'ordre de
choses établi pour l'humanité; même il se soumit docilement aux prescriptions
que Dieu son Père lui intima par le ministère des esprits.
Ainsi, c'est un
ange qui fit connaître à Joseph la volonté divine touchant la fuite en Égypte,
et également sur le retour en Judée. Et toute la vie du Seigneur offre le
spectacle de la même subordination; car vous connaissez trop bien la doctrine de
nos traditions sacerdotales pour que j'aie besoin de vous rappeler qu'un ange
fortifia Jésus agonisant, et que le Sauveur lui-même fut appelé ange du grand
conseil, lorsque, pour opérer heureusement notre rédemption, il prit rang parmi
les interprètes de la Divinité; car, comme il dit en cette qualité, tout ce
qu'il avait appris du Père, il nous l'a manifesté.
CHAPITRE 5
POURQUOI ON APPELLE GÉNÉRALEMENT DU NOM D'ANGES TOUTES LES CÉLESTES
ESSENCES ?
On enseigne que le nom d'anges, quoiqu'il convienne proprement
au dernier rang de la hiérarchie céleste, peut s'appliquer cependant aux ordres
supérieurs; car ils ont les qualités, et ils peuvent remplir les fonctions, et
par suite porter les titres qui appartiennent à leurs subalternes, mais non pas
réciproquement.
J'ai fait voir, comme j'ai pu, d'où vient que les Écritures
donnent le nom d'anges aux esprits bienheureux. Il me semblerait bon d'examiner
maintenant pourquoi la théologie désigne indifféremment par cette commune
appellation toutes les natures célestes en général tandis que, dans
l'explication de chaque ordre en particulier, elle enseigne que les anges
tiennent le dernier rang de la hiérarchie invisible qu'ils complètent, et
qu'au-dessus d'eux on trouve la milice des archanges, les principautés, les
puissances, les vertus et tous les esprits plus sublimes encore que la tradition
nous fait connaître.
Or, nous disons que, dans toute constitution
hiérarchique, les ordres supérieurs possèdent la lumière et les facultés des
ordres inférieurs, sans que ceux-ci aient réciproquement la perfection de
ceux-là. C'est donc justement que, dans la théologie, on appelle anges toute la
foule sacrée des intelligences suprêmes, puisqu'elles servent aussi à manifester
l'éclat des splendeurs divines. Mais, à aucun titre, les célestes natures du
dernier rang ne pouvaient recevoir la dénomination de principautés, de trônes,
de séraphins, puisqu'elles ne partagent pas tous les dons des esprits
supérieurs.
Or, de même que par elles nos saints pontifes sont initiés à la
connaissance de l'ineffable clarté qu'elles contemplent, ainsi le dernier ordre
de l'armée angélique est élevé à Dieu par les augustes puissances des degrés
plus sublimes. On pourrait encore résoudre la difficulté d'une autre sorte, en
disant que ce nom d'anges fut donné à toutes les vertus célestes, à raison de
leur commune ressemblance avec la Divinité et de leur participation plus ou
moins intense à ses splendeurs éternelles.
Mais afin que nulle confusion ne
se mêle en nos discours, considérons religieusement ce que les Écritures disent
des nobles propriétés de chaque ordre de la hiérarchie céleste.
CHAPITRE 6
QUE LES NATURES CÉLESTES SE DIVISENT EN TROIS
ORDRES PRINCIPAUX.
I. Quel est le nombre, quelles sont les facultés des
divers ordres que forment les esprits célestes? En quelle manière chaque
hiérarchie est-elle initiée aux secrets divins? C'est ce qui n'est exactement
connu que par celui qui est l'adorable principe de leur perfection. Toutefois,
eux-mêmes n'ignorent ni les qualités ni les illuminations dont ils sont
particulièrement doués, ni le caractère auguste de l'ordre auquel ils
appartiennent, Mais les mystères qui concernent ces pures intelligences et leur
sublime sainteté ne sont point choses accessibles à l'homme, à moins qu'on ne
soutienne que, par la permission de Dieu, les anges nous ont appris les
merveilles qu'ils contemplent en eux-mêmes. C'est pourquoi nous ne voulons rien
affirmer de notre chef, mais bien exposer, selon nos forces, ce que les docteurs
ont vu dans une sainte intuition et ce qu'ils ont enseigné touchant les
bienheureux esprits.
Il. Or, la théologie a désigné par neuf appellations
diverses toutes les natures angéliques, et notre divin initiateur les distribue
en trois hiérarchies, dont chacune comprend trois ordres. Selon lui, la première
environne toujours la divinité et s'attache indissolublement à elle d'une façon
plus directe que les deux autres, l'Écriture témoignant d'une manière positive
que les trônes et ces ordres auxquels on donne des yeux et des ailes, et que
l'hébreu nomme chérubins et séraphins, sont immédiatement placés auprès de Dieu
et moins séparés de lui que le reste des esprits. Ainsi, d'après la doctrine de
nos illustres maîtres, de ces trois rangs résulte une seule et même hiérarchie,
la première, qui est la plus divine et qui puise directement à leur source les
splendeurs éternelles. Dans la deuxième, on trouve les puissances, les
dominations et les vertus. Enfin, la troisième et dernière se compose des anges,
des archanges et des principautés.
CHAPITRE 7
DES SÉRAPHINS, DES
CHÉRUBINS ET DES TRÔNES QUI FORMENT LA PREMIÈRE HIÉRARCHIE.
I. Acceptant
cette distribution des saintes hiérarchies, nous affirmons que tout nom donné
aux intelligences célestes est le signe des propriétés divines qui les
caractérisent. Ainsi, au témoignage des hébraïsants, le mot de séraphins
signifie lumière et chaleur, et celui de chérubins plénitude de science on
débordement de sagesse. Il convenait sans doute que la première des hiérarchies
célestes fût formée par les plus sublimes esprits; car tel est le rang qu'ils
occupent pardessus tous les autres, que, dans un commerce immédiat et direct, la
divinité laisse découler sur eux plus purement et plus efficacement les
splendeurs de sa gloire et les connaissances de ses mystères. On les appelle
donc flammes brillantes, trônes, fleuves de sagesse, pour exprimer par cette
dénomination leurs divines habitudes. C'est ainsi que le nom des séraphins
indique manifestement leur durable et perpétuel attrait pour les choses divines,
l'ardeur, l'intensité, l'impétuosité sainte de leur généreux et invincible élan,
et cette force puissante par laquelle ils soulèvent, transfigurent et réforment
à leur image les natures subalternes en les vivifiant, les embrasant (les feux
dont ils sont eux-mêmes dévorés, et cette chaleur purifiante (lui consume toute
souillure, et enfin cette active, permanente et inépuisable propriété de
recevoir et de communiquer la lumière, de dissiper et d'abolir toute obscurité,
toutes ténèbres.
Le nom des chérubins montre qu'ils sont appelés à connaître
et admirer Dieu, à contempler la lumière dans son éclat originel et la beauté
incréée dans ses pins splendides rayonnements; que, participant à la sagesse,
ils se façonnent à sa ressemblance et répandent sans envie sur les essences
inférieures le flot des dons merveilleux qu'ils ont reçus.
Le nom des nobles
et augustes trônes signifie qu'ils sont complètement affranchis des humiliantes
passions de la terre; qu'ils aspirent, dans leur essor sublime et constant, à
laisser loin au-dessous d'eux tout ce qui est vil et bas - qu'ils sont unis ni
Très-Haut de toutes leurs forces avec une admirable fixité - qu'ils reçoivent
d'un esprit pur et impassible les douces visites de la divinité; qu'ils portent
Dieu, en quelque manière, et s'inclinent avec un frémissement respectueux devant
ses saintes communications.
Il. Tel est, selon nous, le sens des noms divers
que portent ces esprits. Il nous reste à expliquer la hiérarchie qu'ils forment.
Je pense avoir déjà suffisamment marqué que toute hiérarchie a pour but
invariable une certaine imitation et ressemblance de la Divinité, et que toute
fonction qu'elle impose tend à la double fin de recevoir et de conférer une
pureté non souillée, une divine lumière et une parfaite connaissance des saints
mystères. Je voudrais maintenant enseigner d'une manière convenable comment
l'Écriture comprend l'ordre sublime des intelligences les plus élevées. Sachons
d'abord que cette première hiérarchie est également propre à toutes les natures
supérieures, qui, venant immédiatement après leur souverain auteur et placées,
pour ainsi dire, au voisinage de l'infini, l'emportent sur toute puissance
créée, soit visible, soit invisible.
Elles sont donc très-éminement pures,
non pas seulement en ce sens que nulle tâche, nulle souillure ne les avilit et
qu'elles ne subissent pas la loi de nos imaginations matérielles, mais surtout
parce que, inaccessibles à tout principe de dégradation et douées d'une sainteté
transcendante, elles s'élèvent par là même au-dessus des autres esprits, si
divins qu'ils soient; et encore parce qu'elles trouvent dans un généreux amour
de Dieu la force de se maintenir librement et invariablement en leur ordre
propre, et que nulle altération ne leur peut survenir, la raideur d'une volonté
invincible les attachant saintement aux fonctions merveilleuses qui leur furent
assignées.
Également elles sont contemplatives; et par là je ne veux pas dire
qu'elles perçoivent les choses intellectuelles au moyen de symboles sensibles,
ni que le spectacle de diverses et pieuses images les élève à Dieu; mais je
comprends qu'elles sont inondées d'une lumière qui surpasse toute connaissance
spirituelle, et admises, autant que leur nature permet, à la vision de cette
beauté suréminente, cause et origine de toute beauté, et qui reluit dans les
trois adorables Personnes; je comprends qu'elles jouissent de l'humanité du
Sauveur autrement que sous le voile de quelques figures où se retracent ses
augustes perfections; car, par l'accès libre qu'elles ont auprès de lui, elles
reçoivent et connaissent directement ses saintes lumières; je comprends enfin
qu'il leur est donné d'imiter Jésus Christ d'une façon plus relevée, et qu'elles
participent, selon leur capacité, au premier écoulement qui se fait de ses
vertus divines et humaines.
Elles sont parfaites aussi, non point parce
qu'elles savent expliquer les mystères cachés sous la variété des symboles, mais
parce que, dans leur haute et intime union avec la divinité, elles acquièrent,
touchant les oeuvres divines, cette science ineffable que possèdent les anges,
car ce n'est point par le ministère de quelques autres saintes natures, mais de
Dieu immédiatement, qu'elles reçoivent leur initiation. Elles s'élèvent donc à
lui sans intermédiaire, par leur vertu propre et par le rang supérieur qu'elles
occultent ; et par là encore elles se fixent dans une sainteté immuable et sont
appelées à la contemplation de la beauté purement intelligible. Ainsi
constituées d'une façon merveilleuse par l'auteur de toute hiérarchie qu'elles
entourent au premier rang, elles apprennent de lui les hautes et souveraines
raisons des opérations divines.
III. Or, les théologiens enseignent
clairement que, par une admirable disposition, les ordres inférieurs des pures
intelligences sont instruits des choses divines par les ordres supérieurs, et
que les esprits du premier rang à leur tour reçoivent directement de Dieu la
communication de la science. Effectivement les saintes Écritures nous montrent
tantôt quelques-unes de ces natures saintes apprenant de natures plus augustes
que c'est le Seigneur des vertus célestes et le Roi de gloire qui, sous forme
humaine, s'élève dans les cieux; tantôt quelques autres interrogeant Jésus
Christ en personne, et désirant connaître l'oeuvre sacrée de notre rédemption,
recueillant les instructions de sa bouche, et informées par lui-même des
miracles de sa bonté envers les hommes : c'est moi, dit-il, qui parle justice
et
jugement pour le salut. Ici j'admire comment les essences que leur
sublimité, place au-dessus de toutes les autres, éprouvent, aussi bien
que
leurs subalternes, quelque timidité de désir à l'endroit des communications
divines : car elles ne débutent point par dire au Seigneur : Pourquoi vos
vêtements sont-ils rougis mais elles se questionnent d'abord elles-mêmes,
manifestant par là leur projet, leur envie de connaître l'auguste merveille, et
ne prévenant pas la révélation progressive des lumières célestes.
Ainsi la
première hiérarchie des esprits bienheureux est régie par le souverain
initiateur même, et parce qu'elle dirige immédiatement vers lui son essor,
recueillant, autant qu'il se peut, la pureté sans tâche qui produit la vive
lumière, d'où naît la sainteté parfaite, elle se purifie, s'illumine et se
perfectionne; oui, pure de tout ce qui est infinie, brillante des premiers
rayons de la lumière, riche et ornée d'une science sublime qu'elle puise à sa
source. Même je pourrais bien dire en un mot que cette dérivation de la science
divine est tout ensemble expiation, illumination et perfection; car elle purifie
vraiment de toute ignorance, en communiquant à chaque intelligence, selon sa
dignité propre, la connaissance des mystères ineffables; elle éclaire aussi, et,
par la pureté qu'elle donne, permet aux esprits de contempler au grand jour de
cette lumière Suréminente les choses qu'ils n'avaient point encore vues; enfin
elle les perfectionne en les confirmant dans la claire intuition des plus
magnifiques splendeurs.
IV. Telle est, autant que je puis savoir, la première
hiérarchie des cieux;
rangée comme en cercle autour de la divinité, elle
l'environne immédiatement, et, parmi les joies d'une connaissance permanente,
elle tressaille dans la merveilleuse fixité de cet élan sublime qui emporte les
anges. Elle jouit d'une foule de suaves et pures visions; elle brille sous le
doux reflet de la clarté infinie; elle est nourrie d'un aliment divin, tout à la
fois abondant, puisque c'est la première distribution qui s'en fait, et
réellement un, et parfaitement identique, à cause de la simplicité de l'auguste
substance. Bien plus, elle a l'honneur d'être associée à Dieu, et de coopérer à
ses oeuvres, parce qu'elle retrace, autant que peut la créature, les perfections
et les opérations divines. Elle connaît d'une façon suréminente plusieurs
ineffables mystères, et entre, selon sa capacité, en participation de la science
du Très-haut. Effectivement la théologie a enseigné à l'humanité les hymnes que
chantent ces sublimes esprits, et ou l'on découvre l'excellence de la lumière
qui les inonde : car, pour parler le langage terrestre, quelques-uns d'entre eux
répètent avec le fracas des grandes eaux : Bénie soit la gloire de Dieu du saint
lieu où il réside ! Et d'autres font retentir ce majestueux et célèbre cantique
: Saint, saint, saint est le Seigneur des armées; toute la terre est pleine de
sa gloire !
Mais nous avons expliqué à notre façon ces chants sacrés des
cieux dans le traité des hymnes divins, où il nous semble avoir éclairci
suffisamment cette matière. Je me contente de rappeler ici que la première
hiérarchie, initiée par l'infinie charité à la connaissance des divins mystères,
les transmet avec bienfaisance aux hiérarchies inférieures. Pour tout dire en un
mot, elle leur enseigne que la majesté terrible, digne de toute louange, et
au-dessus de toute bénédiction, doit être connue et glorifiée autant qu'il se
peut par les intelligences auxquelles le Seigneur se communique, puisqu'au
témoignage de l'Écriture, elles sont, par leur sublimité divine, comme
d'augustes et saints lieux ou la divinité repose. Elle leur enseigne que l'unité
très simple subsistant en trois Personnes embrasse dans les soins de
sa
providence la création entière, depuis les plus nobles essences des cieux
jusqu'aux plus viles substances de la terre; car elle est le principe éternel et
la cause de toutes les créatures qu'elle étreint par un lien merveilleux,
ineffable.
CHAPITRE 8
DE LA SECONDE HIÉRARCHIE, QUI SE COMPOSE DES
DOMINATIONS, DES VERTUS ET DES PUISSANCES.
I. Passons maintenant à la
seconde classe des célestes intelligences, et, d'un oeil spiritualisé, essayons
de contempler les dominations et les admirables phalanges des puissances et des
vertus; car toute appellation donnée à ces êtres Supérieurs révèle les
propriétés augustes par lesquelles ils se rapprochent de la divinité.
Ainsi
le nom des saintes dominations désigne, je pense, leur spiritualité sublime et
affranchie de toute entrave matérielle, et leur autorité à la fois libre et
sévère, que ne souille jamais la tyrannie d'aucune vile passion. Car ne
subissant ni la honte d'aucun esclavage, ni les conditions d'une dégradante
chute ces nobles intelligences ne sont tourmentées que du besoin insatiable de
posséder celui qui est la domination essentielle et l'origine de toute
domination elles se façonnent elles-mêmes et façonnent les esprits subalternes à
la divine ressemblance; méprisant toutes choses vaines, elles tournent leur
activité vers l'être véritable, et entrent en participation de son éternelle et
sainte principauté.
Le nom sacré des vertus me semble indiquer cette mâle et
invincible vigueur qu'elles déploient dans l'exercice de leurs divines
fonctions, et qui les empêche de faiblir et de céder sous le poids des augustes
lumières qui leur sont départies. Ainsi portées avec énergie à imiter Dieu,
elles ne font pas lâchement défaut à l'impulsion céleste; mais contemplant d'un
oeil attentif la vertu sur-essentielle, originale, et s'appliquant à en
reproduire une parfaite image, elles s'élèvent de toutes leurs forces vers leur
archétype, et à leur tour s'inclinent, à la façon de la divinité vers les
essences inférieures pour les transformer.
Le nom des célestes puissances,
qui sont de même hiérarchie que les dominations et les vertus, rappelle l'ordre
parfait dans lequel elles se présentent à l'influence divine, et l'exercice
légitime de leur sublime et sainte autorité. Car elles ne se livrent pas aux
excès d'un tyrannique pouvoir; mais s'élançant vers les choses d'en haut avec
une impétuosité bien ordonnée, et entraînant avec amour vers le même but les
intelligences moins élevées, d'un côté elles travaillent à se rapprocher de la
puissance souveraine et principale; et de l'autre, elles la réfléchissent sur
les ordres angéliques par les admirables fonctions qu'il leur est donné de
remplir. Ornée de ces qualités sacrées, la seconde hiérarchie des esprits
célestes obtient pureté, lumière et perfection cri la manière que nous avons
dite, par les splendeurs divines que lui transmet la première hiérarchie, et qui
ne lui viennent ainsi qu'au second degré de leur manifestation.
Il. Ainsi la
communication de la science qui se fait à un ange par le ministère d'un autre
ange, explique comment les dons célestes semblent perdre de leur éclat, à mesure
que, s'éloignant de leur origine, ils s'abaissent sur des êtres moins élevés.
Car comme nos maîtres dans les choses saintes enseignent que l'intuition pure
nous instruit plus parfaitement que toute communication médiatement reçue, de
même je e pense que la participation directe à laquelle sont appelés les anges
supérieurs, leur manifeste mieux la divinité, que s'ils étaient initiés par
d'autres créatures.
C'est pour cela aussi que notre tradition sacerdotale
dit que les esprits du premier rang purifient, illuminent et perfectionnent les
Intelligences moins nobles, qui, par ce moyen, s'élèvent vers le principe
sur-essentiel de toutes choses, et entrent, autant que leur condition permet, en
part de la pureté,de l'illumination et de la perfection mystiques. Car c'est une
loi générale, établie par l'infinie sagesse, que les grâces divines ne sont
communiquées aux inférieurs que par le ministère des supérieurs. Vous trouverez
cette doctrine exprimée dans les Écritures.
Ainsi quand Dieu, par clémence
paternelle, eut châtié Israël prévaricateur, en le livrant pour sa conversion et
son salut au joug odieux des nations barbares, il voulut encore, essayant de
ramener au bien les tendres objets de sa sollicitude, briser leurs chaînes et
les rétablir en la douceur de leur antique félicité : or, en cette circonstance,
un homme de Dieu, nommé Zacharie, vit un de ces anges qui entourent la divinité
au premier rang (car comme j'ai dit, la dénomination d'anges est commune à
toutes les célestes essences). L'auguste Intelligence recevait de Dieu même de
consolantes paroles; à sa rencontre s'avançait un esprit d'ordre inférieur,
comme pour connaître ce qui avait été révélé. Et effectivement, informé du
conseil divin par cette initiation mystérieuse, il eut ordre d'en instruire à
son tour le prophète, qui apprit ainsi que JÉRUSALEM au sein de l'abondance se
réjouirait de la multitude de ses habitants.
Un autre théologien, Ézéchiel,
nous fait savoir que le Seigneur
très-glorieux, qui règne sur les chérubins,
porta ce décret dans son adorable justice : que dans les châtiments paternels
qui devaient corriger, comme il a été dit, le peuple israélite, les innocents
seraient miséricordieusement séparés des coupables.
Cette disposition est
communiqué au premier des chérubins dont les reins brillent sous une ceinture de
saphir, et qui a revêtu la robe flottante des pontifes. En même temps, il reçoit
ordre de transmettre le secret divin aux autres anges armés de haches. Car pour
lui, il doit traverser jérusalem, et placer un signe sur le front des hommes
innocents; et aux autres il est dit : Suivez-le au travers de la ville; frappez,
et que votre oeil ne se laisse point attendrir; mais n'approchez pas de ceux qui
sont marqués du signe. N'est-ce point par semblable disposition qu'un ange dit à
Daniel : Le décret est prononcé et qu'un esprit du premier ordre va prendre des
charbons ardents au milieu des chérubins. Et ne reconnaît-on pas plus nettement
encore cette distinction hiérarchique des anges, en voyant un chérubin placer
ces charbons dans les mains de cet autre qui est revêtu de l'étole sacrée ? en
voyant qu'on appelle l'archange Gabriel et qu'on lui dit : fais entendre cette
vision au prophète (5 ) en apprenant enfin tout ce que rapportent les
théologiens, touchant l'admirable subordination des choeurs angéliques Type
auguste que notre hiérarchie doit reproduire aussi parfaitement qu'il lui est
possible, pour être comme un reflet de la beauté des anges, et pour nous élever
par leur ministère vers le principe absolu de toute suprématie et
autorité.
CHAPITRE 9
DE LA DERNIÈRE HIÉRARCHIE CÉLESTE QUI
COMPREND LES PRINCIPAUTÉS, LES ARCHANGES ET LES ANGES
I. Il nous reste à
considérer la dernière des hiérarchie célestes en laquelle brillent les saintes
principautés les archanges et les anges. Mais je crois qu'il faut d'abord
constater, comme nous pourrons, le sens de leurs nobles qualifications. Or, le
nom des célestes principautés fait voir qu'elles ont le secret divin de
commander avec ce bon ordre qui convient aux puissances supérieures; de se
diriger invariablement elles-mêmes et de guider avec autorité les autres vers
celui qui règne par-dessus tout; de se former, au degré où c'est possible, sur
le modèle de sa principauté originale et de manifester enfin son autorité
souveraine par la belle disposition de leurs propres forces.
II. L'ordre des
archanges appartient à la même division que les saintes principautés. Il est
vrai toutefois comme j'ai dit ailleurs, qu'ils forment aussi une seule et même
division avec les anges. Mais comme toute hiérarchie comprend de premières, de
secondes et de troisièmes puissances, l'ordre sacré des archanges est un milieu
hiérarchique où les extrêmes se trouvent harmonieusement réunis. En effet, il a
quelque chose de commun avec les principautés et avec les anges tout
ensemble.
Comme les unes, il se tient éperdument tourné vers le principe
sur-essentiel de toutes choses, et s'applique à lui devenir semblable, et mène
les anges à l'unité par l'invisible ressort d'une autorité sage et régulière
comme les autres, il remplit les fonctions d'ambassadeur, et, recevant des
natures supérieures la lumière qui lui revient, il la transmet avec divine
charité d'abord aux anges et ensuite par eux à l'humanité selon les dispositions
propres de chaque initié. Car, comme on l'a déjà vu, les anges viennent
compléter les différents ordres des esprits célestes, et ce n'est qu'en dernier
lieu et après tous les autres que leur échoit la perfection angélique. Pour
cette raison et eu égard à nous, le nom d'anges leur va mieux qu'aux premiers,
les fonctions de leur ordre nous étant plus connues et touchant le monde de plus
près. Effectivement il faut estimer que la hiérarchie supérieure et plus proche
par son rang du sanctuaire de la divinité, gouverne la seconde par des moyens
mystérieux et secrets; à son tour, la seconde, qui renferme les dominations, les
vertus et les puissances, conduit la hiérarchie des principautés, des archanges
et des anges d'une façon plus claire que ne fait la première, mais plus cachée
aussi que ne fait la troisième; celle-ci enfin, qui nous est mieux connue, régit
les hiérarchie humaines l'une par l'autre, afin que l'homme s'élève et se tourne
vers Dieu, communie et s'unisse à lui, en suivant les mêmes degrés par lesquels,
au moyen de la merveilleuse subordination des hiérarchies diverses, la divine
bonté a fait descendre vers nous les saintes émanations des lumières
éternelles.
C'est pourquoi les théologiens assignent aux anges la présidence
de nos hiérarchies, attribuant à saint Michel le gouvernement du peuple juif et
à d'autres le gouvernement d'autres peuples; car l'Éternel a posé les limites
des nations en raison du nombre de ses anges.
III. Si l'on demande comment
donc il s'est fait que les Hébreux seuls furent appelés à la connaissance de la
vérité, nous répondrons qu'il ne faut pas imputer à l'administration des bons
anges la chute universelle des peuples dans l'idolâtrie, mais que, de leur
propre mouvement, les hommes eux-mêmes sont sortis de la voie qui mène à Dieu,
entraînés
par orgueil et perversité dans le culte honteux des divinités
mensongères. Au reste, nous avons des preuves que les mêmes choses arrivèrent à
Israël. Tu as rejeté la connaissance de Dieu, dit le prophète, et tu es allé
après les désirs de ton coeur. Car ni la fatalité ne domine notre vie, ni la
liberté des créatures ne saurait éteindre les lumières que leur envoie la divine
Providence; seulement, à raison de l'inégalité que présentent les différents
esprits, ou bien ils ne participent nullement, par suite d'une triste
résistance, à l'effusion des splendeurs célestes, ou bien le rayon divin, malgré
son unité, sa simplicité parfaite, son immutabilité et sa plénitude, leur est
communiqué en des proportions diverses avec plus ou moins d'abondance, plus ou
moins de clarté. Et effectivement, les autres nations d'où nous avons nous-mêmes
élevé les yeux vers cet immense océan de lumière à la participation de laquelle
tous sont libéralement conviés, les autres nations n'étaient point régies par je
ne sais quels dieux étrangers, mais bien par l'unique principe de tout ; et
l'ange gardien de chacune d'elles entraînait vers la vérité souveraine les
hommes de bonne volonté. Et ici rappelez-vous en preuve Melchisédech, cet homme
si aimé des cieux, zélé pontife, non pas d'imaginaires divinités, mais du
Très-Haut, qui est seul réellement Dieu. Or, les théologiens ne l'appellent pas
seulement serviteur de l'Éternel, ils le nomment encore prêtre, pour montrer aux
esprits clairvoyants que non seulement il était resté fidèle à celui qui est,
mais qu'il initiait aussi ses frères à la connaissance de la seule vraie
divinité.
IV. Je veux rappeler encore à votre science sacerdotale que les
soins providentiels et l'absolu pouvoir de Dieu furent manifestés en songe à
Pharaon par l'ange des Égyptiens et à Nabuchodonosor par l'ange de Babylone, et
que Joseph et Daniel, serviteurs du vrai Dieu, et qui égalaient presque les
anges en sainteté, furent préposés à ces peuples pour expliquer les visions
figuratives dont la divinité leur avait à eux-mêmes appris le secret par le
ministère des célestes esprits : car il n'y a qu'un seul principe de tout et une
seule Providence. C'est pourquoi on ne doit pas s'imaginer qu'une sorte de
hasard ait fait échoir à Dieu le gouvernement de la Judée, et qu'en dehors de
son empire, les anges ses rivaux ou ses adversaires, ou même quelques autres
dieux, président aux destinées du reste du monde. Certes, si on les comprend
bien, nos Lettres sacrées ne veulent pas dire que Dieu ait partagé avec d'autres
dieux ou avec les anges l'administration de l'univers, tellement qu'en cette
division la nation hébraïque fût devenue son lot; mais elles veulent dire qu'une
même et universelle Providence ayant spécialement désigné certains anges, commit
à leur garde le salut de tous les hommes, et que, parmi l'infidélité générale,
les enfants de Jacob conservèrent presque seuls le trésor des saintes lumières
et la connaissance du Très-Haut. De là vient que l'Écriture, présentant Israël
comme voué au culte du vrai Dieu: Il est devenu la portion du Seigneur,
ajoute-t-elle. Et à dessein de montrer qu'à l'égal des autres peuples Israël
avait été confié à l'un des anges, pour apprendre sous sa conduite à connaître
le principe unique de toutes choses, elle rapporte que saint Michel est le guide
sacré des Juifs. Par là, elle nous fait entendre qu'il n'y a dans l'univers
qu'une seule et même Providence infiniment élevée par sa nature au-dessus de
toutes puissances visibles et invisibles; que l'ange préposé à chaque nation
attire vers la divinité, comme vers leur propre principe, ceux qui le suivent de
tout l'effort de leur bonne volonté.
CHAPITRE 10
RÉSUMÉ ET
CONCLUSION DE CE QUI À ÉTÉ DIT TOUCHANT L'ORDRE ANGÉLIQUE.
I. De ce qui a
été dit, on doit inférer que les intelligences du premier rang qui approchent le
plus de la divinité, saintement initiées par les splendeurs augustes qu'elles
reçoivent immédiatement, s'illuminent et se perfectionnent sous l'influence
d'une lumière à la fois plus mystérieuse et plus évidente; plus mystérieuse,
parce qu'elle est plus spirituelle et douée d'une plus grande puissance de
simplifier et d'unir; plus évidente, parce qu'alors, puisée à sa source, elle
brille de son éclat primitif, qu'elle est plus entière et qu'elle pénètre mieux
ces pures essences. À cette première hiérarchie obéit la deuxième; celle-ci
commande à la troisième, et la troisième est préposée à la hiérarchie des
hommes; et ainsi, par divine harmonie et juste proportion, elles s'élèvent l'une
par l'autre vers celui qui est le souverain principe et la fin de toute belle
ordonnance.
II. Or, tous les esprits sont les interprètes et les envoyés
d'une puissance supérieure. Les premiers portent les volontés immédiates de la
divinité, que, d'autres reçoivent pour les transmettre à ceux qui viennent
ensuite. Car notre Dieu, en qui toutes choses forment une harmonie sublime, a
tellement constitué la nature des êtres, soit raisonnables, soit purement
intellectuels, et réglé leur perfectionnement, que chaque hiérarchie forme un
tout parfaitement organisé et comprend des puissances de trois degrés divers.
Même, à vrai dire, chaque degré offre en lui ce merveilleux accord : c'est pour
cela sans doute que la théologie représente les pieux séraphins comme
s'adressant l'un à l'autre, enseignant ainsi avec parfaite évidence, selon moi,
que les premiers communiquent aux seconds la connaissance
III. Bien plus,
j'ajouterai avec raison qu'on doit spécialement distinguer en toute intelligence
humaine ou angélique des facultés de premier, second et troisième degré,
correspondant précisément aux trois ordres d'illumination qui sont propres à
chaque hiérarchie; et c'est en traversant ces degrés successifs que les esprits
participent, en la manière où ils le peuvent, à la pureté non souillée, à la
lumière surabondante et à la perfection sans bornes. Car rien n'est parfait de
soi; rien n'exclut la possibilité d'un perfectionnement ultérieur, sinon celui
qui est par essence la perfection primitive et infinie.
CHAPITRE
11
POURQUOI LES ESPRITS ANGÉLIQUES SONT NOMMÉS GÉNÉRALEMENT VERTUS
CÉLESTES.
I. Maintenant il importe de considérer pour quelle raison nous
avons coutume de donner indistinctement à toutes les natures angéliques le nom
de vertus célestes. Or, on ne saurait faire ici le raisonnement qu'on a fait
plus haut; on ne saurait dire que le rang des vertus soit le dernier parmi les
hiérarchies invisibles, et que, comme les puissances supérieures possèdent tous
les dons communiqués aux puissances inférieures, et non pas réciproquement, il
en résulte que toutes les divines intelligences doivent être appelées vertus, et
non pas séraphins, trônes et dominations. Ce raisonnement ne vaut pas,
disons-nous; car les anges, et au-dessus d'eux les archanges, les principautés
et les puissances ne sont placés par la théologie qu'après les vertus, et, par
suite ne participent pas à toutes leurs propriétés; et toutefois nous les
nommons vertus célestes aussi bien que les autres sublimes esprits.
II.
Néanmoins, en généralisant ainsi cette dénomination noirs n'entendons pas
confondre les propriétés des différents ordres; seulement, comme par la loi
sublime de leur être on distingue dans tous les purs esprits l'essence la vertu
et l'acte, si tous ou quelques-uns d'entre eux sont dits indifféremment essences
ou vertus célestes, à but estimer que cette locution désigne ceux dont nous
voulons parler précisément par l'essence ou la verni qui les constitue.
Certainement, après les distinctions si nettes que nous avons établies, nous
n'irons pas attribuer aux natures moins parfaites des prérogatives suréminentes,
et troubler de la sorte l'harmonieux accord qui règne parmi les rangs des anges;
car, ainsi qu'on là déjà remarqué plus d'une fois, les ordres supérieurs
possèdent excellemment les propriétés des ordres inférieurs; mais ceux-ci ne
sont point armés de toute la perfection des autres, qui, recevant sans
intermédiaire les splendeurs divines, ne les transmettent aux natures moins
élevées qu'en partie et au degré où elles en sont capables.
CHAPITRE
12
D'OÙ VIENT QUE L'ON DONNE LE NOM D'ANGES DE NOTRE HIÉRARCHIE
I.
Ceux qui s'appliquent à la méditation de nos profonds oracles adressent encore
cette question : s'il est vrai que l'inférieur ne partage pas entièrement les
qualités du supérieur, pourquoi dans les saintes Écritures nos pontifes sont-ils
appelés anges du seigneur tout-puissant ?
II. Or cette parole ne semble point
opposée à nos précédentes assertions; car, si la perfection des premiers ordres
ne se trouve pas chez les derniers dans toute son excellence, néanmoins elle
leur est communiquée en partie, et, selon le degré de leur capacité, par la loi
de cette universelle harmonie qui unit si intimement toutes choses. Par exemple,
les chérubins jouissent sans doute d'une sagesse et d'une connaissance
merveilleuses; mais les esprits inférieurs participent aussi à la sagesse et à
la connaissance, d'une façon moins sublime, il est vrai, et moins abondamment,
parce qu'ils sont moins dignes. Ainsi le don de la connaissance et de la sagesse
est commun à toutes les intelligences célestes; mais ce qui est propre à chacune
d'elles, ce qui est déterminé par leur nature respective, c'est de recevoir le
bienfait divin immédiatement et en premier lieu, ou bien médiatement et en degré
inférieur. Et l'on ne se trompe pas, en appliquant ce même principe à tous les
esprits angéliques; car, comme dans les premiers brillent éminemment les
augustes attributs des derniers, de même ceux-ci possèdent les qualités de
ceux-là, toutefois avec moins d'excellence et de perfection. Il n'est donc pas
absurde, comme on voit, que la théologie donne le nom d'anges aux pontifes de
notre hiérarchie, puisque, en la mesure de leurs forces, ils s'associent au
ministère des anges par la fonction d'enseigner, et, autant qu'il est permis à
l'humanité, s'élèvent jusqu'à leur ressemblance par l'interprétation des sacrés
mystères.
III. Bien plus, vous pouvez savoir qu'on appelle dieux les natures
célestes qui sont au-dessus de nous, et même les pieux et saints personnages qui
ornent nos rangs, quoique la souveraine et mystérieuse essence de Dieu soit
absolument incommunicable et supérieure à tout, et quoique rien ne puisse avec
justesse et en rigueur lui être réputé semblable. Mais quand la créature, soit
purement spirituelle, soit raisonnable, essayant avec ardeur de s'unir à son
principe, et aspirant sans cesse et de toutes ses forces aux lumières célestes,
parvient à imiter Dieu, si ce mot n'est pas trop hardi, alors la créature reçoit
glorieusement le nom sacré de Dieu.
CHAPITRE 13
POURQUOI IL EST
DIT QUE LE PROPHÈTE ISAÏE FUT PURIFIÉ PAR UN SÉRAPHIN
I. Appliquons-nous
encore à considérer pourquoi il est dit qu'un séraphin fut envoyé à l'un de nos
théologiens; car on demande avec raison comment il se fait que ce soit une des
plus sublimes intelligences, et non pas un des esprits inférieurs qui purifie le
prophète.
Il. Quelques-uns, pour lever la difficulté, invoquent en principe
cette analogie intime qui règne, comme nous avons vu, entre toutes les célestes
natures : d'après cela, l'Écriture n'indiquerait pas qu'une intelligence du
premier ordre fit descendue pour purifier Isaïe, mais seulement qu'un des anges
qui président à notre hiérarchie reçut, en ce cas, la dénomination de séraphin,
précisément à raison de la fonction qu'il venait remplir, et parce qu'il devait
enlever par le feu l'iniquité du prophète, et ressusciter dans son âme purifiée
le courage d'une sainte obéissance. Ainsi nos oracles parleraient ici, non pas
de l'un des séraphins qui entourent le trône de Dieu, mais de l'une de ces
vertus purifiantes qui sont immédiatement au-dessus de nous.
III. Un autre me
donna touchant la présente difficulté une solution qui n'est pas du tout dénuée
de sens. Selon lui, quelle qu'elle fit d'ailleurs, la sublime intelligence, qui
par cette vision symbolique initie le prophète aux secrets divins, rapporta
d'abord à Dieu, puis à la première hiérarchie, le glorieux office qui lui était
échu de communiquer la pureté en cette rencontre. Or ce sentiment est-il vrai
?
Celui qui m'en instruisit le développait de cette sorte : La vertu divine
atteint et pénètre intimement toutes choses par sa libre énergie, quoiqu'en cela
elle échappe à tous nos regards, tant par la sublimité inaccessible de sa pure
substance, qu'à raison des voies mystérieuses par lesquelles s'exerce sa
providentielle activité. Ce n'est pas à dire toutefois qu'elle ne se manifeste
point aux natures intelligentes au degré où elles en sont capables; car confiant
la grâce de la lumière aux esprits supérieurs, par eux elle la transmet aux
esprits inférieurs avec parfaite harmonie, et en la mesure que comportent la
condition et l'ordre de chacun d'eux.
Expliquons-nous plus clairement par le
moyen d'exemples qui conviennent mal à la suprême excellence de Dieu, mais qui
aideront notre débile entendement : le rayon du soleil pénètre aisément cette
matière limpide et légère qu'il rencontre d'abord, et d'où il sort plein d'éclat
et de splendeur; mais s'il vient à tomber sur des corps plus denses, par
l'obstacle même qu'opposent naturellement ces milieux à la diffusion de la
lumière, il ne brille plus que d'une lueur terne et sombre, et même
s'affaiblissant par degrés, il devient presque insensible. Également sa chaleur
se transmet avec plus d'intensité aux objets qui sont plus susceptibles de la
recevoir, et qui se laissent plus volontiers assimiler par le feu; puis son
action apparaît comme nulle ou presque nulle dans certaines substances qui lui
sont opposées ou contraires; enfin, ce qui est admirable, elle atteint, par le
moyen des matières inflammables, celles qui ne le sont pas; tellement qu'en des
circonstances données, elle envahira d'abord les corps qui ont quelque affinité
avec elle, et par eux se communiquera médiatement soit à l'eau, soit à tout
autre élément qui semble la repousser. Or cette loi du monde physique se
retrouve dans le monde supérieur.
Là, l'auteur souverain de toute belle
ordonnance tant visible qu'invisible fait éclater d'abord sur les plus sublimes
intelligences les splendeurs de sa douce lumière; et ensuite les saints et
précieux rayonnements passent médiatement aux intelligences
subordonnées.
Ainsi celles qui les premières sont appelées à connaître Dieu,
et nourrissent le brûlant désir de participer à sa vertu, s'élèvent aussi les
premières à l'honneur de retracer véritablement en elles cette auguste image,
autant que le peut la créature; puis elles s'appliquent avec amour à attirer
vers le mérite but les natures inférieures, leur faisant parvenir les riches
trésors de la sainte lumière, que celles-ci continuent à transmettre
ultérieurement. De la sorte, chacune, d'elles communique le don divin à celle
qui la suit, et toutes participent à leur manière aux largesses de la
Providence. Dieu est donc, à proprement parler, réellement et par nature, le
principe suprême de toute illumination, parce qu'il est l'essence même de la
lumière, et que l'être et la vision viennent de lui; mais à son imitation et par
ses décrets, chaque nature d'illumination pour la nature inférieure, puisque,
comme un canal, elle laisse dériver jusqu'à celle-ci les flots de la lumière
divine. C'est pourquoi tous les rangs des anges regardent à juste titre le
premier ordre de l'armée céleste comme étant, après Dieu, le principe de toute
connaissance sacrée et pieux perfectionnement, puisqu'il envoie au reste des
esprits bienheureux, et à nous ensuite, les rayons de l'éternelle splendeur : de
là vient que, s'ils rapportent leurs fonctions augustes et leur sainteté à Dieu
comme à celui qui est leur créateur, d'un autre côté, ils les rapportent aussi
aux plus élevées des pures intelligences qui sont appelées les premières à les
remplir et à les enseigner aux autres. Le premier rang des hiérarchies célestes
possède donc à un plus haut degré que tous les autres et une dévorante ardeur,
et une large part dans les trésors de la sagesse infinie , et la savante et
sublime expérience des mystères sacrés, et cette propriété des trônes qui
annonce une intelligence toujours préparée aux visites de la divinité. Les rangs
inférieurs participent, il est vrai, à l'amour, à la sagesse, à la science, à
l'honneur de recevoir Dieu : mais ces grâces ne leur viennent qu'à un degré plus
faible et d'une façon subalterne, et ils ne s'élèvent vers Dieu que par le
ministère des anges supérieurs qui furent enrichis les premiers des bienfaits
célestes. Voilà pourquoi les natures moins sublimes reconnaissent pour leurs
initiateurs ces esprits plus nobles, rapportant à Dieu d'abord, et à eux
ensuite, les fonctions, qu'elles ont l'honneur de remplir.
IV. Notre maître
disait donc que la vision avait été manifestée au théologien Isaïe par un des
saints et bienheureux anges qui président à notre hiérarchie; et que le
prophète, illuminé et conduit de la sorte, avait joui de cette contemplation
sublime, où, pour parler un langage symbolique, lui apparurent et les plus
hautes intelligences siégeant immédiatement au-dessous de Dieu., et environnant
son trône, et au milieu du cortège la souveraine majesté dans la splendeur de
son essence ineffable, s'élevant par delà ces vertus si parfaites. Dans ces
visions, le prophète apprit que, par la supériorité infinie de sa nature, la
divinité l'emporte sans comparaison sur toute puissance soit visible, soit
invisible, et qu'elle est absolument séparée du reste des êtres, et n'a rien de
semblable même aux plus nobles substances; il apprit que Dieu est le principe et
la cause de toutes les créatures, et la base inébranlable de leur permanente
durée, et que de lui procède l'être et le bien-être des créatures même les plus
augustes; il apprit encore quelles sont les vertus toutes divines des séraphins
dont le nom mystérieux exprime si bien l'ardeur enflammée, ainsi que nous le
dirons un peu plus loin, autant qu'il nous sera possible d'expliquer comment
l'ordre séraphique s'élève,vers son adorable modèle. Le libre et sublime essor
par lequel les esprits dirigent vers Dieu leur triple faculté est symbolisé par
les six ailes dont ils semblaient revêtus aux yeux du prophète. De même ces
pieds et ces visages sans nombre, que la vision faisait passer sous son regard,
lui étaient un enseignement, aussi bien que ces ailes qui voilaient les pieds,
et celles qui voilaient le visage, et celles qui soutenaient le vol constant des
anges; car, pénétrant le sens mystérieux de ce spectacle, il comprenait de
quelle vivacité et puissance d'intuition sont douées ces nobles intelligences,
et avec quel religieux respect elles s'abstinrent de porter une téméraire et
audacieuse présomption dans la recherche des profonds et inaccessibles secrets
de Dieu, et comment elles s'appliquent à imiter la divinité par un infatigable
effort, et dans un harmonieux concert. Il entendait cet hymne de gloire si
pompeux et tant répété, l'ange lui communiquant la science, autant que c'était
(...) Enfin son céleste instituteur lui faisait connaître que la pureté des
esprits, quelle qu'elle soit, consiste en la participation à la lumière et à la
sainteté non souillée.
Or c'est Dieu même qui pour d'ineffables motifs, et
par une incompréhensible opération, communique cette pureté à toutes créatures
spirituelles; mais elle est départie plus abondamment, et d'une façon plus
évidente, à ces vertus suprêmes qui entourent de plus près la divinité : pour ce
qui regarde et les rangs subalternes de la hiérarchie angélique, et la
hiérarchie humaine tout entière, autant chaque intelligence est éloignée de son
auguste principe, autant vis-à-vis d'elle le don divin affaiblit son éclat, et
s'enveloppe dans le mystère de son unité impénétrable. Il rayonne sur les
natures inférieures au travers des natures supérieures, et pour tout dire en un
mot, c'est par le ministère des puissances plus élevées qu'il sort du fond de
son adorable obscurité.
Ainsi Isaïe, saintement éclairé par un ange, vit que
la vertu purifiante et toutes les divines opérations reçues d'abord par les
esprits plus sublimes, s'abaissent ensuite sur tous les autres, selon la
capacité qu'elles trouvent en chacun d'eux: c'est pourquoi le séraphin lui
apparut comme l'auteur, après Dieu, de la purification qu'il raconte. Il n'est
donc pas hors de raison d'affirmer que ce fut un séraphin qui purifia le
prophète. Car comme Dieu purifie toute intelligence, précisément parce qu'il est
le principe de toute pureté; ou bien, pour me servir d'un exemple familier,
comme notre pontife, quand il purifie ou illumine par le ministère de ses
diacres ou de ses prêtres, est justement dit purifier et illuminer, ceux qu'il a
élevés aux ordres sacrés lui rapportant leurs nobles fonctions; de même l'ange
qui fut choisi pour purifier le prophète, rapporta et la science et la vertu de
son ministère à Dieu d'abord comme à leur cause suprême, et puis au séraphin,
comme au premier initiateur créé.
On peut donc se figurer l'ange comme
instruisant Isaïe par ces pieuses paroles : "Le principe suprême, l'essence, la
cause créatrice de cette purification que j'opère en toi, c'est celui qui a
donné l'être aux plus nobles substances, qui conserve leur nature immuable, et
leur volonté pure, et qui les attire à entrer les premières en participation de
sa providentielle sollicitude." (Car c'est ce que signifie l'ambassade du
séraphin vers le prophète, d'après le sentiment de celui qui m'expliquait cette
opinion.) "Or ces esprits sublimes, nos pontifes et nos maîtres, après Dieu,
dans les choses saintes, qui m'ont appris à communiquer la divine pureté, ce
sont eux, c'est cet ordre auguste qui par moi te purifie, et dont l'auteur
bienfaisant de toute purification emploie le ministère, pour tirer de son
secret, et envoyer les dons de son active providence." Voilà ce que m'apprit mon
maître; et moi je vous le transmets, ô Timothée. Maintenant je laisse à votre
science et à votre discernement, ou bien de résoudre la difficulté par l'une ou
l'autre des raisons proposées, et de préférer la seconde comme raisonnable et
bien imaginée, peut-être comme plus exacte; ou de découvrir par vos propres
investigations quelque chose de plus conforme à la vérité; ou enfin, avec la
grâce de Dieu, qui donne la lumière, et des anges qui nous la transmettent,
d'apprendre de quelque autre une meilleure solution. En ce cas, faites-moi part
de votre bonne fortune; car mon amour pour les saints anges se réjouirait de
posséder sur cette question des données plus claires.
CHAPITRE 14
QUE SIGNIFIE LE NOMBRE DES ANGES DONT IL EST FAIT MENTION DANS
L'ÉCRITURE
Je crois bien digne encore de l'attention de nos esprits ce
qui est enseigné touchant les saints anges, savoir : qu'il y en a mille fois
mille, et dix mille fois dix mille, l'Écriture redoublant ainsi et multipliant
l'un par l'autre les chiffres les plus que nous ayons, et par la faisant voir
clairement qu'il nous est impossible d'exprimer le nombre de ces bienheureuses
créatures. Car les rangs des armées célestes sont pressés, et ils échappent à
l'appréciation faible et restreinte de nos calculs matériels, et le dénombrement
n'en peut être savamment fait qu'en vertu de cette connaissance surhumaine et
transcendante que leur communique si libéralement le Seigneur sagesse incréée,
science infinie, principe sur-essentiel et cause puissante de toutes choses,
force mystérieuse qui gouverne les êtres, et les bornes en les embrassant.
CHAPITRE 15
QUELLES SONT LES FORMES DIVERSES DONT L'ÉCRITURE
REVÊT LES ANGES, LES ATTRIBUTS MATÉRIELS QU'ELLE LEUR DONNE, ET LA SIGNIFICATION
MYSTÉRIEUSE DE CES SYMBOLES.
I. Mais, si bon vous semble, enfin, donnons
quelque relâche à notre entendement après cette contention qu'ont réclamée nos
regards sur le riche et varié spectacle des formes nombreuses sous lesquelles
apparaissent les natures angéliques, pour remonter ensuite de la grossièreté du
symbole à l'intelligible et pure réalité.
Or, avant tout, je vous ferai
observer que l'interprétation mystique des figures et des emblèmes sacrés nous
montrera parfois les mêmes rangs de l'armée céleste tour à tour comme supérieurs
et inférieurs, les derniers comme investis du commandement, et les premiers
comme soumis à des ordres, tous enfin comme ayant des puissances de triple
degré, ainsi qu'on a vu. Cependant il ne faut pas croire que ces assertions
impliquent aucune absurdité. Car, si nous disions que certaines natures
angéliques sont gouvernées par des esprits plus nobles qu'elles régissent
néanmoins, et que ceux qui ont autorité reconnaissent l'empire de leurs propres
subordonnés, il y aurait vraiment là confusion de langage et contradiction
flagrante. Mais si nous affirmons, non pas que les anges initient ceux-là même
dont ils reçoivent l'initiation, ou réciproquement, mais bien que chacun d'eux
est initié par ses supérieurs, et initie à son tour ses inférieurs, personne
sans doute ne prétendra que les figures décrites dans les saintes Lettres ne
puissent légitimement et proprement s'appliquer aux puissances du premier, du
deuxième et du troisième ordre. Ainsi l'intention fixe de s'élever vers le
parfait, l'activité constante et fidèle à se maintenir dans les vertus qui leur
sont propres, cette providence secondaire par laquelle ils s'inclinent vers les
natures inférieures et leur transmettent le don divin, tous les esprits célestes
participent à ces qualités, mais en des proportions qu'on
a déjà indiquées :
les uns pleinement et avec sublimité, les autres seulement en partie et d'une
façon moins éminente.
II. Mais entrons en matière, et, au début de nos
interprétations mystiques, cherchons pourquoi, parmi tous les symboles, la
théologie choisit avec une sorte de prédilection le symbole du feu. Car, comme
vous pouvez savoir, elle nous représente des roues ardentes, des animaux tout de
flamme, des hommes qui ressemblent à de brûlants éclairs; elle nous montre les
célestes essences entourées de brasiers consumants, et de fleuves qui roulent
des flots de feu avec une bruyante rapidité. Dans son langage, les trônes sont
de feu; les augustes séraphins sont embrasés, d'après la signification de leur
nom même, et ils échauffent et dévorent comme le feu; enfin, au plus haut comme
au plus bas degré de l'être, revient toujours le glorieux symbole du
feu.
Pour moi, j'estime que cette figure exprime une certaine conformité des
anges avec la divinité; car chez les théologiens l'essence suprême, pure, et
sans forme, nous est souvent dépeinte sous l'image du feu, qui a, dans ses
propriétés sensibles, si on peut le dire, comme une obscure ressemblance avec la
nature divine. Car le feu matériel est répandu partout, et il se mêle, sans se
confondre, avec tous les éléments dont il reste toujours éminemment distingué;
éclatant de sa nature, il est cependant caché, et sa présence ne se manifeste
qu'autant qu'il trouve matière à son activité; violent et invisible, il dompte
tout par sa force propre, et s'assimile énergiquement ce qu'il a saisi; il se
communique aux objets, et les modifie, en raison directe de leur proximité; il
renouvelle toutes choses par sa vivifiante chaleur, et brille d'une lumière
inextinguible; toujours indompté, inaltérable, il discerne sa proie, nul
changement ne l'atteint, il s'élève vers les cieux, et par la rapidité de sa
fuite, semble vouloir échapper à tout asservissement; doué d'une activité
constante, les choses sensibles reçoivent souvent de lui le mouvement; il
enveloppe ce qu'il dévore, et ne s'en laisse point envelopper; il n'est point un
accident des autres substances; ses envahissements sont lents et insensibles, et
ses splendeurs éclatent dans les corps auxquels il s'est pris; il est impétueux
et fort, présent à tout d'une façon inaperçue ; qu'on l'abandonne à son repos,
il semble anéanti; mais qu'on le réveille, pour ainsi dire, par le choc, à
l'instant il se dégage de sa prison naturelle, et rayonne et se précipite dans
les airs, et se communique libéralement, sans s'appauvrir jamais. On pourrait
signaler encore de nombreuses propriétés du feu, lesquelles sont comme un
emblème matériel des opérations divines. C'est donc en raison de ces rapports
connus que la théologie désigne sous l'image du feu les natures célestes :
enseignant ainsi leur ressemblance avec Dieu, et les efforts qu'elles font pour
l'imiter.
3. Les anges sont aussi représentés sous forme humaine, parce que
l'homme est doué d'entendement, et qu'il peut élever le regard en haut; parce
qu'il a la forme du corps droite et noble, et qu'il est née pour exercer le
commandement; parce qu'enfin s'il est inférieur aux animaux sans raison pour ce
qui est de l'énergie des sens, du moins il l'emporte sur eux tous par la force
éminente de son esprit, par la puissance de sa raison, et par la dignité de son
âme naturellement libre et invincible.
On peut encore, à mon avis, emprunter
aux diverses parties du corps humain des images qui représentent assez
fidèlement les esprits intelligence les habitants des cieux contemplent les
secrets éternels, et avec quelle docilité, avec quelle tranquillité suave, avec
quelle rapide intuition, ils reçoivent la limpidité si pure et la douce
abondance des lumières divines.
Le sens si délicat de l'odorat symbolise la
faculté qu'ils ont de savourer la bonne odeur des choses qui dépassent
l'entendement, de discerner avec sagacité et de fuir avec horreur tout ce qui
n'exhale pas ce sublime parfum. L'ouïe rappelle qu'il leur est donné de
participer avec une admirable science au bienfait de l'inspiration divine. Le
goût montre qu'ils se rassasient des nourritures spirituelles et se désaltèrent
dans des torrents d'ineffables délices. Le tact est l'emblème de leur habileté à
distinguer ce qui leur convient naturellement de ce qui pourrait leur nuire. Les
paupières et les sourcils désignent leur fidélité à garder les saintes notions
qu'ils ont acquises. L'adolescence et la jeunesse figurent la vigueur toujours
nouvelle de leur vie, et les dents, la puissance de diviser, pour ainsi dire, en
fragments la nourriture intelligible qui leur est donnée; car tout esprit, par
une sage providence, décompose la notion simple qu'il a reçue des puissances
supérieures, et la transmet ainsi partagée à ses inférieurs, selon leur
disposition respective à cette initiation. Les épaules, les bras et les mains
marquent la force qu'ont les esprits d'agir et d'exécuter leurs entreprises. Par
le coeur, il faut entendre leur vie divine qui va se communiquant avec douce
effusion sur les choses confiées à leur protectrice influence; et par la
poitrine, cette même énergie qui faisant la garde autour du coeur maintient sa
vertu invincible. Les reins sont l'emblème de la puissante fécondité des
célestes intelligences. Les pieds sont l'image de leur vive agilité, et de cet
impétueux et éternel mouvement qui les emporte vers les choses divines; c'est
même pour cela que la théologie nous les a représentées avec des ailes aux
pieds. Car les ailes sont une heureuse image de la rapide course, de cet essor
céleste qui les précipite sans cesse plus haut, et les dégage si parfaitement de
toute vile affection. La légèreté des ailes montre que ces sublimes natures
n'ont rien de terrestre, et que nulle corruption n'appesantit leur marche vers
les cieux. La nudité en général, et en particulier la nudité des pieds fait
comprendre que leur activité n'est pas comprimée, qu'elles sont pleinement
libres d'entraves extérieures, et qu'elles s'efforcent d'imiter la simplicité
qui est en Dieu.
4. Mais puisque, dans l'unité de son but et la diversité de
ses moyens, la divine sagesse donne des vêtements aux esprits, et arme leurs
mains d'instruments divers, expliquons encore du mieux possible ce que désignent
ces nouveaux emblèmes. Je pense donc que le vêtement radieux et tout de feu
figure la conformité des anges avec la divinité, par suite de la signification
symbolique du feu, et la vertu qu'ils ont d'illuminer précisément parce que leur
héritage est dans les cieux, doux pays de la lumière; et enfin
leur capacité
de recevoir et leur faculté de transmettre la lumière purement intelligible. La
robe sacerdotale enseigne qu'ils initient à la contemplation des mystères
célestes, et que leur existence est tout entière consacrée à Dieu. La ceinture
signifie qu'ils veillent à la conservation de leur fécondité spirituelle, et que
recueillant fidèlement en eux-mêmes leurs puissances diverses, ils les
retiennent par une sorte de lien merveilleux dans un état d'identité
immuable.
5. Les baguettes qu'ils portent sont une figure de leur royale
autorité, et de la rectitude avec laquelle ils exécutent toutes choses. Les
lances et les haches expriment la faculté qu'ils ont de discerner les
contraires, et la sagacité, la vivacité et la puissance de ce discernement.
Les instruments de géométrie et des différents arts nous montrent qu'ils
savent fonder, édifier, et achever leurs oeuvres, et qu'ils possèdent toutes les
vertus de cette providence secondaire qui appelle et conduit à leur fin les
natures inférieures. Quelquefois aussi ces objets emblématiques que portent les
saintes intelligences, annoncent le Jugement de Dieu sur nous, soit. par
exemple, les sévérités d'une utile correction, soit les vengeances de la
justice; soit aussi la délivrance du péril et la fin du châtiment, le retour de
la prospérité perdue, ou bien enfin l'accroissement à divers degrés des grâces
tant corporelles que spirituelles. Certainement un esprit clairvoyant saura bien
appliquer avec justesse les choses qu'il voit aux choses qu'il ne voit
pas.
VI. Quand les anges sont appelés vents, c'est pour faire connaître leur
extrême agilité et la rapidité de leur action, qui s'exerce, pour ainsi dire,
instantanément sur toutes choses, et le mouvement par lequel ils s'abaissent et
s'élèvent sans peine pour entraîner leurs subordonnés vers une plus sublime
hauteur, et pour se communiquer à eux avec une providentielle bonté. On pourrait
dire aussi que ce nom de vent, d'air ébranlé, désigne une certaine ressemblance
des anges avec Dieu: car, ainsi que nous l'avons longuement établi dans la
théologie symbolique, en interprétant les sens mystérieux des quatre éléments,
l'air est un symbole bien expressif des opérations divines, parce qu'il
sollicite en quelque sorte et vivifie la nature, parce qu'il va et vient d'une
course rapide et indomptable et parce que nous ignorons les mystérieuses
profondeurs dans lesquelles il prend et perd son mouvement, selon cette parole :
Vous ne savez ni d'où il vient ni où il va.
La théologie représente aussi
les anges sous la forme de nuées; enseignant par là que ces intelligences sont
heureusement inondées d'une sainte et ineffable lumière, et qu'après avoir reçu
avec une joie modeste la gloire de cette illumination directe, elles en laissent
parvenir à leurs inférieures les rayons abondants, mais sagement tempérés et
qu'enfin elles peuvent communiquer la vie, l'accroissement et la perfection, en
répandant comme une rosée spirituelle, et en fécondant le sein qui la reçoit par
le miracle de cette génération sacrée.
VII. D'autres fois les anges sont dits
apparaître comme l'airain, l'ambre on quelque pierre de diverses couleurs.
L'ambre, métal composé d'or et d'argent, figure, à raison de la première de ces
substances, une splendeur incorruptible, et qui garde inaltérablement sa pureté
non souillée; et à cause de la seconde, une sorte de clarté douce et céleste.
L'airain, d'après tout ce qu'on a vu, pourrait, être assimilé soit au feu, soit
à l'or même. La signification symbolique des pierres sera différente, selon la
variété de leurs couleurs; ainsi les blanches rappellent la lumière; les rouges,
le feu; les Jaunes l'éclat de l'or; les vertes, la vigueur, la jeunesse. Chaque
forme aura donc son sens caché, et sera le type sensible d'une réalité
mystérieuse. Mais je crois avoir suffisamment traité ce sujet, cherchons
l'explication des formes animales dont la théologie revêt parfois les célestes
esprits.
VIII. Or, par la forme de lion, il faut entendre l'autorité et la
force invincible des saintes intelligences, et le secret tout divin qui leur est
donné de s'envelopper d'une obscurité majestueuse, en dérobant saintement aux
regards indiscrets les traces de leur commerce avec la divinité - (imitant le
lion qu'on dit effacer dans sa course l'empreinte de ses pas, quand il fuit le
chasseur).
La forme de boeuf appliquée aux anges exprime leur puissante
vigueur, et qu'ils ouvrent en eux des sillons spirituels, pour y recevoir la
fécondité des pluies célestes : les cornes sont le symbole de l'énergie avec
laquelle ils veillent à leur propre garde.
La forme d'aigle rappelle leur
royale élévation et leur agilité, l'impétuosité qui les emporte sur la proie
dont se nourrissent leurs facultés sacrées, leur attention à la découvrir, et
leur facilité à l'étreindre, et surtout cette puissance de regard qui leur
permet de contempler hardiment et de fixer sans fatigue les splendides et
éblouissantes clartés du soleil divin.
Le cheval est l'emblème de la
docilité et de l'obéissance; sa couleur est également significative : blanc, il
figure cet éclat des anges qui les rapproche de la splendeur incréée; bai, il
exprime l'obscurité des divins mystères; alezan, il rappelle la dévorante ardeur
du feu; marqué de blanc et de noir, il symbolise la faculté de mettre en rapport
et de concilier ensemble les extrêmes, d'incliner sagement le supérieur vers
l'inférieur, et d'appeler ce qui est moins parfait à s'unir avec ce qui est plus
élevé.
Mais si nous ne cherchions une certaine sobriété de discours, nous
eussions pu appliquer avec quelque bonheur aux puissances célestes toutes les
qualités et les formes corporelles de ces divers animaux, par des rapprochements
où la similitude éclaterait au travers de différences sensibles : comme si nous
voulions voir, par exemple, dans l'irascibilité des brutes, cette mâle énergie
des esprits, dont la colère n'est qu'un obscur vestige, ou bien dans la
convoitise de celles-là, le divin amour de ceux-ci, ou, pour tout dire en un
mot, dans les sens et les organes des animaux sans raison, les pensées si pures
et les facultés immatérielles des anges. J'en ai assez dit pour l'homme
intelligent; même l'interprétation d'un seul de ces symboles suffit bien pour
guider dans la solution des questions analogues.
9. Considérons encore ce que
veut dire la théologie, lorsque parlant des anges, elle nous décrit des fleuves,
des chars et des roues.
Le fleuve de feu désigne ces eaux vivifiantes qui,
s'échappant du sein inépuisable de la divinité, débordent largement sur les
célestes intelligences, et nourrissent leur fécondité. Les chars figurent
l'égalité harmonique qui unit les esprits d'un même ordre. Les roues garnies
d'ailes et courant sans écart et sans arrêt vers le but marqué, expriment
l'activité puissante et l'inflexible énergie avec lesquelles l'ange, entrant
dans la voie qui lui est ouverte, poursuit invariablement et sans détour sa
course spirituelle dans les régions célestes.
Mais ce symbolisme des roues
est susceptible encore d'une autre interprétation; car ce nom de galgal qui lui
est donné, au rapport du prophète, signifie en hébreu révolution et révélation.
Effectivement ces roues intelligentes et enflammées ont leurs révolutions, qui
les entraînent d'un mouvement éternel autour du bien immuable; elles ont aussi
leurs révélations, ou manifestations des secrets divins, à savoir lorsqu'elles
initient les natures inférieures, et leur font parvenir la grâce des plus
saintes illuminations.
Il nous reste à expliquer enfin comment on doit
comprendre l'allégresse des anges. Car n'imaginons pas qu'ils soient soumis aux
accès de nos joies passionnées. En disant qu'ils se réjouissent avec Dieu de ce
que sont retrouvés ceux qui étaient perdus, on exprime le divin contentement, et
cette sorte de paisible délectation dont ils sont doucement enivrés, à
l'occasion des mes que la Providence a ramenées au salut, et aussi cet ineffable
sentiment de bonheur que les saints de la terre connaissent, quand Dieu les
récrée par l'effusion de son auguste lumière.
Telles sont les explications
que j'avais à donner touchant les symboles que décrit la théologie. Tout
incomplet qu'il soit, je me flatte que ce travail aidera notre esprit à s'élever
au-dessus de la grossièreté des images matérielles.
Que si vous m'objectez,
ô Timothée, que je n'ai pas fait mention de toutes les vertus, facultés et
images que l'Écriture attribue aux anges, je répondrai, ce qui est véritable,
qu'en certains cas il m'aurait fallu une science qui n'est pas de ce monde, que
j'aurais eu besoin d'un initiateur et d'un guide; et que certaines explications
que j'omets sont implicitement renfermées en ce que j'ai dit.
Ainsi ai-je
voulu à la fois et garder une juste mesure dans ce discours, et honorer par mon
silence les, saintes profondeurs que je ne peux sonder
FIN DE LA HIÉRARCHIE CÉLESTE